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Tromperie sur les émissions : une non-conformité qui entraîne la résolution de la vente

Affaires - Affaires, Transport
13/10/2025

La question de la conformité des véhicules équipés de dispositifs destinés à tromper les mesures anti-pollution alimente le contentieux en droit de la consommation et en droit des contrats. Dans un arrêt du 24 septembre 2025 (Cass. com., 24 sept. 2025, n° 23-23.869), la Cour de cassation réaffirme que la présence d’un logiciel frauduleux constitue un défaut de conformité justifiant la résolution de la vente. Cette décision illustre l’importance accrue de l’obligation de délivrance conforme dans le contexte environnemental et réglementaire actuel.

Action fondée sur le défaut de délivrance conforme

L’affaire concernait un véhicule acquis dans le cadre d’une location avec option d’achat (LOA). Après la levée de l’option, le constructeur a informé l’acquéreur de l’ouverture d’une enquête visant certains moteurs diesel et de la nécessité de mettre à jour un logiciel destiné à fausser les résultats des tests d’émission d’oxydes d’azote. L’acheteur a sollicité la résolution du contrat de vente, en invoquant un défaut de conformité, une erreur sur les qualités substantielles et des pratiques commerciales trompeuses.

En application des articles 1603 et 1604 du Code civil, le vendeur est tenu de délivrer un bien conforme. L’action fondée sur ce manquement se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’acheteur a eu connaissance du défaut (art. 2224 du Code civil et art. L. 110-4 du Code de commerce).

Fraude logicielle et défaut de conformité caractérisé

La Cour censure les juges du fond pour avoir écarté le défaut de conformité. Elle rappelle qu’installer un logiciel destiné à tromper les mesures d’émissions d’oxydes d’azote, interdit par le règlement (CE) n° 715/2007, constitue une violation des normes européennes et un défaut de conformité au sens de la directive 1999/44/CE. Le véhicule étant équipé d’un tel dispositif, il ne satisfaisait pas aux exigences légales et contractuelles. La livraison d’un bien non conforme caractérise ainsi un manquement grave à l’obligation de délivrance conforme.

Manquement grave justifiant la résolution

Sur le terrain des articles 1604 et 1184 du Code civil, interprétés à la lumière de la Charte de l’environnement, la Cour considère que la livraison d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit justifie la résolution du contrat. La conformité ne se réduit pas aux caractéristiques techniques ou fonctionnelles : elle englobe le respect des normes environnementales et des règles européennes applicables.

En définitive, cette décision s’inscrit dans la lignée des affaires « Dieselgate » et confirme l’évolution du droit de la vente vers une exigence de transparence renforcée. La présence d’un logiciel frauduleux constitue un défaut de conformité suffisant pour obtenir la résolution du contrat, y compris plusieurs années après l’achat, sous réserve du respect des délais de prescription. Les professionnels sont incités à vérifier la conformité environnementale des produits, tandis que les consommateurs disposent d’un levier juridique efficace lorsque le bien livré ne respecte pas les normes. Cette jurisprudence manifeste la volonté de sanctionner fermement les pratiques commerciales déloyales et de renforcer la protection des acquéreurs dans un contexte de transition écologique.