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Rupture anormale des relations commerciales : comprendre les risques et protéger ses intérêts

Affaires - Affaires, Commercial
20/10/2025

Les relations d’affaires sont au cœur de la vie économique : elles se construisent, évoluent et, parfois, se terminent. Cependant, certaines ruptures peuvent être qualifiées d’anormales et entraîner de lourdes conséquences juridiques. La loi française, en particulier le Code de commerce, encadre strictement ces situations afin de préserver l’équilibre des relations commerciales et d’assurer un fonctionnement loyal du marché.

Pratiques restrictives et contreparties disproportionnées

Le droit français sanctionne certaines pratiques qui faussent la concurrence. L’article L. 442-1, I, 1° et 2° du Code de commerce prévoit que toute personne exerçant une activité de production, de distribution ou de services engage sa responsabilité si elle tente d’obtenir un avantage manifestement disproportionné ou si elle soumet son partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif.

Deux conditions sont nécessaires pour caractériser une telle pratique :

  • Soumission à des obligations non négociables : démontrer l’absence de réelle possibilité de discuter les termes du contrat (exclusivité totale d’approvisionnement, clauses financières excessives, etc.).
  • Déséquilibre significatif : appréciation juridique et économique au regard de l’économie du contrat, révélée par une disproportion importante entre droits et obligations.

La jurisprudence rappelle que même la tentative de soumettre l’autre partie à ces obligations peut être sanctionnée (par ex. : Cass. com., 11 janv. 2023, n° 21-11.163). Pour se prémunir, il est essentiel de conserver les preuves de tentatives de négociation : échanges de courriels, propositions de modifications contractuelles, demandes de temperaments de clauses.

Rupture brutale d’une relation commerciale établie

La rupture brutale d’une relation commerciale établie, prévue par l’article L. 442-1, II du Code de commerce, vise la décision unilatérale de mettre fin, même partiellement, à une relation stable sans préavis écrit suffisant.

Pour engager la responsabilité de l’auteur de la rupture, plusieurs éléments doivent être réunis :

  • Existence d’une relation commerciale établie : contrats écrits, commandes répétées, échanges réguliers.
  • Caractère brutal : absence de préavis ou préavis insuffisant, ou modification substantielle des conditions pendant le préavis.
  • Absence de motif légitime : force majeure ou inexécution grave peuvent justifier une rupture immédiate.

La durée du préavis doit être déterminée de manière concrète, en tenant compte de la durée de la relation, du volume d’affaires, de la notoriété des parties, du secteur, du caractère saisonnier et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire (v. Cass. com., 10 nov. 2021, n° 20-13.385). Même en présence d’un préavis, celui-ci doit être effectif : les conditions antérieures sont, en principe, maintenues jusqu’à son terme.

Preuve et stratégie de négociation

En cas de contentieux, la charge de la preuve pèse sur la partie qui se prétend victime. Il convient de documenter la relation commerciale (contrats, bons de commande, relevés de facturation, courriels, comptes annuels permettant d’établir la marge brute). Une démarche proactive peut consister à négocier la durée du préavis ou à proposer une indemnisation correspondant au préjudice direct et immédiat : coûts salariaux liés aux licenciements économiques, investissements spécifiques non réemployables, perte de marge sur la période de référence.

La notion d’état de dépendance économique peut influer sur l’évaluation du préavis, à condition de démontrer l’absence de solution techniquement et économiquement équivalente dans le délai octroyé. À défaut de preuve, l’argument est écarté.

Enfin, lors d’un non-renouvellement, il est recommandé d’exiger par écrit (courriel ou LRAR) la garantie, pour toute la durée du préavis, du maintien des conditions antérieures (prix, remises, volumes, délais de livraison, territoire, droits d’appartenance au réseau). Le « statu quo » ne s’improvise pas : il se négocie et se formalise.

Conclusion : les règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence et à la rupture brutale ont pour objet de protéger les entreprises contre les abus. Loyauté et transparence doivent guider chaque étape de la relation, de la négociation à la rupture. Anticiper les risques, formaliser les échanges et agir rapidement en cas de déséquilibre sont des réflexes essentiels pour sécuriser l’activité et préserver les intérêts en litige.